Expérimenter la vie de nomade m’a toujours fait envie. Sortir du quotidien pour prendre la route. Vivre au jour le jour, au gré des rencontres et des paysages. En 2020, ma sœur et moi avons eu l’opportunité de vivre ce rêve avec nos deux juments et mon chien. Après plusieurs mois de préparation, nous nous sommes mises en route le 17 mai 2020, quittant notre village près de Châtel-St-Denis en autonomie complète, avec 17 kg de paquetage par cheval, en licol et hipposandales, sans savoir où nous allions, ni pour combien de temps. Nous avons d’abord traversé le Plateau au-dessus de Lausanne. Le troisième jour, alors que notre campement était installé, les juments ont eu peur d’un bruissement et se sont enfuies au triple galop. Voyager ainsi était déjà une sacrée épreuve pour mon mental hypersensible et trouillard. Après cette mésaventure, j’ai sérieusement songé à rentrer en ravalant ma fierté, d’autant plus que j’étais à bout de nerfs car je manquais déjà de sommeil. Mais ma petite sœur n’était pas prête à déclarer forfait.
A ce moment, les rôles que nous avions endossés toute notre vie se sont échangés: la grande sœur responsable est devenue celle qui a besoin de soutien. Et la cadette qui a toujours marché dans les traces de son aînée est devenue son bâton de pèlerin. Au rythme des sabots, nous avons poursuivi notre route jusqu’à Romainmôtier. De là, nous avons fait le tour du lac de Joux pour remonter toute la crête du Jura jusque dans les Franches-Montagnes. Avant d’arriver dans cette région où il y a beaucoup de gîtes, nous avons fonctionné au porte-à-porte. Notre périple s’est terminé à St-Ursanne (JU), après 35 jours et 400 km. En cinq semaines, j’ai atteint un stade de fatigue tel que je n’aurais pas supporté un jour de plus. Nous sommes rentrées épuisées, mais des étoiles pleins les yeux et le cœur rempli de gratitude. Les quatre pattes ont été supers. Nous n’avons eu aucune blessure ni frottement. Nous avons pris conscience de la beauté de notre pays à travers des paysages époustouflants. Certes, nous avons transpiré, grelotté et eu les pieds trempés pendant quatre jours, mais cela nous a appris à apprécier les choses simples de la vie comme une bonne douche chaude. Et le plus beau cadeau reste les rencontres humaines: du simple et si touchant «c’est vraiment beau ce que vous faites» lancé par un inconnu aux personnes qui nous ont spontanément offert l’hospitalité.
Mon principal défi a été mon mental anxieux, qui refuse de faire confiance à la vie, malgré toutes les merveilleuses expériences qui n’ont jamais cessé de s’enchaîner. Je n’ai qu’une chose à dire: il est temps d’oser sortir de sa zone de confort, à son échelle, avec les chevaux, ou dans un autre domaine. Car les expériences qu’il nous est alors donné de vivre sont si riches qu’elles nous marquent à vie.
Aline Bucher